Publié le 6 Octobre 2025
Plage de Boulouris / VAR
J’adore la plage de Boulouris, pour la transparence de la mer, et surtout pour sa tour en arrière-plan …
Un matin de ce mois de septembre un cormoran est venu faire son marché avec les nombreuses petites daurades qui garnissent la petite baie.
Il a ensuite été rejoint par un autre cormoran ou par sa compagne ?
Intrigué par le bec et le cou de cet oiseau qui n’a pas toujours une bonne image, j’ai demandé à mon ami Gérard Olive, guide naturaliste, de nous partager ses connaissances.
Philippe Pons
En Méditerranée occidentale vous avons un seul cormoran : le cormoran huppé Phalacrocorax aristotelis.
Description (vérifiée sur Wiki) :
Cet oiseau, comme son cousin le grand cormoran, a un plumage noir à reflets verts ou bleus dus à une iridescence des plumes. Son bec noir un peu crochu, allongé, présente des commissures jaunes en période nuptiale. Sur son front une courte huppe complète sa physionomie. Il perd cette huppe et cette commissure colorée, et devient plus brun en période internuptiale. Il mesure 65 à 80 cm de long, a une envergure de 90 à 105 cm et pèse de 1,75 à 2,50 kg.
Il est donc un peu plus petit que les autres cormorans qui visitent les côtes ouest françaises (Grand cormoran).
Le nôtre est assez facile à reconnaitre grâce à son plastron plus clair, néanmoins le plumage définitif n'est atteint que vers sa troisième année.
Concernant sa pêche, les chiffes diffèrent mais en gros (et cela dépend de la saison, de la température de l’eau, de l’âge du cormoran huppé) celui-ci ingurgiterait entre 30 et 60% de son propre poids en nourriture par jour mais le pourcentage est contesté, les protecteurs des oiseaux soutiennent que la consommation de poissons ne dépasse pas 300 à 400 g de poissons par jour mais ils laisseraient beaucoup de poissons blessés lors des chasses des cormorans finissent par mourir.
Il pêche très profondément, c’est un champion, ses apnées durent jusqu’à près de trois minutes et il peut descendre à 30 mètres (record homologué : - 60 mètres). Entre deux séances d’apnée il effectue une pause d’une minute trente au maximum.
Il est aidé par sa faible flottabilité, son excellente vue sous-marine, son aptitude à la nage et à l’apnée.
Comme je te le disais cela est dû aussi aux faibles performances de sa glande uropygienne (La glande uropygienne est une glande sébacée spécifique des oiseaux. Elle produit un mélange complexe de corps gras et de cires. Située au niveau du croupion, elle est constamment sollicitée lors des séances de toilettage par les oiseaux qui en sont pourvus.)
Chez les cormorans il semblerait que cette glande dysfonctionne et ce serait la raison pour laquelle le cormoran n’a plus une grande étanchéité de son plumage, l’eau froide (passé 20 mètres, même en été) l’eau de la Méditerranée est stable et descend à 12°, le cormoran subit une grosse perte calorifique (comme si nous allions faire du ski en maillot de bain), qu’il compense par un solide appétit qui lui amène les calories devenues nécessaires pour sa survie et le font détester par les pêcheurs et les aquaculteurs qui voient en lui un sérieux concurrent.
D’où l’autorisation que donnent les préfets de certains département (pour le Var, je ne sais pas) d’effectuer des tirs de dissuasion ou d’abattage ainsi qu’une autorisation aux chasseurs de tuer le cormoran qui, jusqu’alors bénéficiait d’une protection rigoureuse puisque les cormorans avaient frôlé l’extinction dans les années 1970.
En milieu naturel (étangs, lacs, fleuves) où les cormorans sont présents l’eutrophisation des eaux, les pollutions industrielles et domestiques (dont les micro-plastiques), les pesticides, l’artificialisation des cours d’eau, la destruction des zones humides, le réchauffement climatique ou encore l’introduction d’espèces exotiques ont des impacts dévastateurs sur la qualité des milieux aquatiques et sont à l’origine de la diminution des effectifs des cormorans en France.
Pour revenir sur la glande uropygienne, certains scientifiques ont une autre version : la glande fonctionnerait correctement mais le cormoran n’en ferait pas usage afin de rendre son plumage « perméable » à l’eau ce qui permettrait au cormoran de descendre plus profond afin de s’assurer une meilleure pêche.
À l’issue de ses séances de pêche - issue limitée à la flottabilité du bestiau - le cormoran, à la limite de la noyade s’installe sur un rocher et « ventiles » ses ailes durant quelques dizaines de minutes afin d’éliminer l’eau que son plumage a emmagasiné et de retrouver un minimum de flottabilité.
Et c’est parti pour une nouvelle session de pêche.
Le cormoran rejette sous forme de pelote de réjection la partie indigeste de ses aliments (otolithes notamment), ce qui permet aux biologistes non seulement de savoir ce qu'il a mangé, et ainsi d'obtenir de nombreuses informations sur les fluctuations de la biodiversité marine des zones prospectées par l’animal.
A noter que les juvéniles, pas encore très doués pour la pêche ne réussissent pas toujours à faire le plein de calories malgré trois heures de pêche de plus que les adultes et, les jours les plus courts de l’année puisque la durée de pêche est déterminée par la longueur du jour, les jeunes peuvent mourir de faim. Ce qui constitue la première cause de mortalité chez les juvéniles, cinq fois plus élevée que chez les adultes.
Autres éléments en vrac :
le cormoran huppé est présent chez nous de fin septembre à juin, ensuite il part se reproduire vers le nord et vers l’ouest : jusqu’au nord de l’Ecosse, aux Îles Féroé, et même en Islande.
C’est un excellent « pilote », il est capable de voler vite - 80 km/h - sur de longues distances sans arrêter de battre des ailes (alors que le grand cormoran, lui, est capable d’effectuer des planés).
Sa durée de vie atteint et dépasse vingt ans. Il a très peu de prédateurs (cétacé : orque)
Est-ce que le cormoran se mange ? À l’époque où il n’était pas protégé et donc chassé, j’ai mangé en Bretagne nord un « pâté de lièvre » au goût étrange, d’une couleur très foncé. J’ai appris plus tard que ce faux pâté de lièvre était réalisé avec du cormoran et du gras de porc !
Essayez d’imiter le cri du cormoran : son cri guttural est un peu glougloutant ("gra-gra ») mais attention de ne pas prendre un coup de fusil !
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Gérard Olive / guide naturaliste
Lac ouest du Dramont, décembre 2004. J’aime bien cette ancienne photo - elle a déjà 20 ans. Je trouve qu’elle exprime bien la solitude de ce cormoran, seul, sur un des lacs du Dramont, perché sur l’ancienne prise d’eau d’arrosage de CAP ESTEREL. Gérard OLIVE
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GUIDE DES LACS DU DRAMONT
un guide devenu hélas introuvable ...
rédigé par Christophe BONNET et Gérard OLIVE en 1994.
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Gérard Olive, a été recruté comme guide pour le Village de CAP ESTEREL par Gérard Bremond le PDG du Pierre & Vacances, dès l'ouverture en 1990. Les anciens propriétaires se rappellent de ses sorties découvertes dans l'Esterel, et particulièrement des virées nocturnes. Gérard Olive a formé à CAP ESTEREL de très nombreux guides naturalistes.
Dans un prochain article, je vous proposerai ses recherches sur la légende de Tintin, Hergé, et l'Ile d'Or.
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