Antoine de St Exupéry par Frédéric d'Agay

Publié le 1 Août 2016

En ce début Août,

je vous invite à découvrir,

Un tourisme d’un genre nouveau : Sur les Pas des écrivains

Une collection très originale crée par les éditions Alexandrines, propose de partir à la recherche des grandes figures littéraires d’un département.

Frédéric d’Agay, écrivain, historien, son arrière petit neveu, nous raconte la vie de Saint-Exupéry, dans Balade dans le Var

 

SAINT-EXUPERY DANS LE VAR

      Si l’écrivain-pilote Antoine de Saint-Exupéry (1900-1944) est né à Lyon d’une  vieille famille quercynoise, il appartenait à la Provence par sa mère : Marie de Fonscolombe était la fille du baron de la Mole. C’est donc au château de La Mole, près de Saint-Tropez, chez ses grands-parents maternels que se déroulèrent ses premières vacances varoises. Ce château médiéval a été aménagé au cours des siècles et rendu habitable au XIXe : les remparts extérieurs et les tours d’angle du midi furent rasés pour faire place à une terrasse dominant la vallée de La Mole où se dresse le platane planté par sa mère pour ses sept ans en  1882. Un parc est planté avec des espèces rares, des rhododendrons au bord de la rivière, une bambouseraie….

Les Fonscolombe, famille parlementaire aixoise étaient ouverts à toutes les formes de l’esprit et de l’intelligence, la peinture – la mère d’Antoine peignait au pastel portraits et paysages – la musique avec de nombreux compositeurs, et la nature avec des entomologistes et botanistes… la vie quotidienne à La Mole était assez patriarcale et austère, pastorale et provençale. Antoine s’en souvient dans ses livres et sa correspondance : «Il y avait à La Mole (…) une bergerie extraordinaire, une crèche avec des moutons et des chevaux et un bœuf et des bergers et un âne et trois rois mages dix fois plus grand que les chevaux, et surtout une odeur de cire qui est pour moi l’essence de toute fête… j’avais cinq ans…[1] ».

Après la mort de son père d’une attaque sur le quai de la gare de la Foux, à Cogolin, sa mère s’installa un temps à la Mole et, pour le jour de sa fête, se souvient-elle dans son livre J’écoute chanter mon arbre[2]  : « Antoine apportait un poème : Dieu t’adonné la grâce et la beauté/Et tu nous chéris quelle félicité ».

[1] Lettre à Pierre Chevrier, in Bibliothèque de La Pléiade, Oeuvres complètes , vol. 2, p. 972, Gallimard, Paris,1999.

[2] Gallimard, Paris, 1971.

Balade dans le Var  -  Editions Alexandrines  -  pages 70/71

Balade dans le Var - Editions Alexandrines - pages 70/71

   De La Mole la famille se rend souvent au château de Sinopoli à l’entrée de Saint-Tropez chez l’oncle et la tante Hubert de Fonscolombe. Puis à la mort de son grand père en 1910, sa grand-mère se fixe à St Raphaël dans la villa Marie-Madeleine. Lieu de villégiature très à la mode, Saint-Raphaël faisait concurrence à Cannes et c’est là désormais qu’Antoine se rend pour les réunions de famille.

Il a pour compagnon de jeu un jeune voisin Pierre d’Agay, qui a le même âge que lui et c’est très naturellement que ce dernier tombe amoureux de la petite sœur d’Antoine, Gabrielle dite « Didi » qu’il épouse en 1923. Il fixe son ménage dans le château familial d’Agay, bâti sur un fort à la Vauban, au milieu de la rade dont il assurait la défense.

Le Château D’Agay – carte postale édition LL – collection Ph. Pons

Le Château D’Agay – carte postale édition LL – collection Ph. Pons

  Et c’est donc à Agay qu’Antoine séjournera continuellement jusqu’à sa mort. Très lié a sa sœur Didi il en trace le portrait dans Courrier sud : «  Vous étiez si bien abritée dans cette maison et, autour d’elle, par cette robe vivante de la terre. Vous aviez conclu tant de pactes avec les tilleuls, avec les chênes, avec les troupeaux que nous vous nommions leur princesse [1]». Il aime l’ambiance de cette maison qui lui rappelle son enfance et l’animation de ses quatre neveux qui l’appellent l’oncle  « papou » et viennent le réveiller en fanfare le matin. Il leur raconte des histoires et les fascine avec la prise de rasoir électrique de sa  puissante torpédo américaine. Souvent il appelle Didi d’Agay au téléphone et lui dit : « prépare moi un aïoli ou une bouillabaisse … j’arrive ce soir ou demain… » et la fête dure plusieurs jours. Le 12 avril1932 il se marie dans la chapelle d’Agay avec une jeune veuve sud-américaine, Consuélo Suncin. L’abbé Sudour, directeur de l’Ecole Bossuet de Paris, qui lui a remis les insignes de chevalier de la Légion d’honneur le 4 avril, célèbre le mariage et un déjeuner familial se tint dans le vieux château d’Agay.

 

[1] Courrier Sud, in Bibliothèque de La Pléiade, Oeuvres complètes , vol. 1, p. 53, Gallimard, Paris,1994.

Editions FOLIO

Editions FOLIO

  Ses séjours se poursuivent pour se reposer de ses raids et de ses accidents d’avion comme celui du Maroc de 1927 ou du Guatemala en 1938, ou pour écrire des passages de Terre des Hommes ou de Citadelle.  Pilote d’essai de la nouvelle compagnie Air France, il connaît un grave accident en baie de Saint-Raphaël le 21 décembre 1933 sur un prototype d’hydravion torpilleur, le Laté 293. Il manque de se noyer et sa carrière de pilote d’essai s’arrête. Il trouve chez sa sœur à Agay le repos, la poursuite des traditions familiales et de la lignée qu’il n’a pas pu assurer. Il écrira pendant la guerre« Je me bats pour la paix d’Agay ».

Enveloppe éditée pour le 50 eme anniversaire de la disparition de St Exupéry - collection Ph. Pons

Enveloppe éditée pour le 50 eme anniversaire de la disparition de St Exupéry - collection Ph. Pons

  Après la déclaration de Guerre contre l’Allemagne  en 1939 il s’engage dans le groupe de reconnaissance aérienne 2/33 alors qu’on veut l’empêcher de participer au service armé pour le maintenir à l’Information : «En Provence, quand une forêt brûle, tous ceux qui ne sont pas de salauds prennent un seau et une pioche… [1]». Il passe les fêtes du premier Noël de guerre à Agay avec sa mère venue de Cabris, où elle habite désormais, et chante les Noëls provençaux traditionnels de Saboly à la messe de Minuit  dans la chapelle d’Agay ou sa sœur tient l’harmonium et dirige la chorale.

La drôle de guerre terminée, il revient à Agay en mai 1940 avec son amie Nelly de Voguë et ses amis La Falaise, installés à l’hôtel de la Baumette, et qui tentent en vain de le persuader de partir pour Londres avec eux. Il décide de se rendre aux Etats-Unis et vient embrasser une dernière fois sa mère et les d’Agay avant de partir pour Lisbonne d’où il s’embarque pour New York en décembre 1940.

 

[1] Lettre à Pierre Chevrier, in Bibliothèque de La Pléiade,  Oeuvres complètes , vol. 2, p. 935, Gallimard, Paris, 1999.

Carte postale phare de la Beaumette – édition RM – collection Ph. Pons

Carte postale phare de la Beaumette – édition RM – collection Ph. Pons

  Il écrit Pilote de Guerre, Lettre à un otage et le Petit Prince qui consacrera son succès international. En 1943 il repart en Afrique du Nord rejoindre son escadrille 2/33 et reprendre du service comme « doyen des pilotes de guerre du monde » Lors d’une mission au-dessus des côtes française il s’aperçoit que le château d’Agay a été détruit par l’armée allemande en mai 1944 et il écrit alors à sa mère « Ca m’a blessé au cœur que Didi ait perdu sa maison. Ah, Maman, que je voudrais pouvoir l’aider ! Mais qu’elle compte sur moi pour l’avenir. Quand sera-t-il possible de dire qu’on les aime à ceux que l’on aime ? [1]». Cette lettre datée de Borgo de fin juillet 1944 sera la dernière : « Saint-Ex » sera abattu par un chasseur allemand au cours d’une mission aérienne le 31 juillet 1944 devant Marseille et la lettre ne parviendra à sa mère et sa sœur qu’un an plus tard…

[1] Lettre à sa mère, in Bibliothèque de La Pléiade,  Oeuvres complètes , vol. 2, p. 851, Gallimard, Paris, 1999.

Aussi est-ce tout naturellement que la première plaque posée pour rendre hommage à Saint-Exupéry mort pour la France, après la guerre l’ait été sur le phare de la Baumette à Agay. Une fontaine dédiée au Petit Prince a été élevée dans le quartier de la Bastide. A Saint-Raphaël, le lycée porte son nom et à La Mole un s’élève sur une nouvelle place.

Frédéric d’Agay

 

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Antoine de St Exupéry par Frédéric d'Agay

« Je tiens à exprimer mes remerciements :
- à Madame Marie-Noelle Craissati, créatrice des Editions Alexandrines
- et à Frédéric d’Agay,
pour nous avoir autorisés à utiliser ce texte dans le blog du "3C", Collectif des Copropriétaires de Cap Esterel.
Philippe Pons